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GYNFOCH 2023 : combattre l’infertilité sur tous les fronts

Article de Brigitte Fanny Cohen
Journaliste Santé

D’année en année, Gynfoch s’impose comme le rendez-vous incontournable de la fertilité et de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Ce grand meeting international s’est tenu le 10 mars 2023 aux salons Hoche à Paris. Plus de mille professionnels de santé ont répondu présents.


« L’objectif est d’échanger, de se concerter, de réfléchir sur le progrès, l’innovation, les meilleures méthodes de prise en charge de l’infertilité et la préservation de la fertilité afin d’améliorer in fine la natalité », précise le Pr Jean-Marc Ayoubi, chef de service de
gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction à l’Hôpital, président-fondateur il y a plus de 15 ans de Gynfoch. L’édition 2023 était l’occasion, pour des nombreux spécialistes français et internationaux, de prendre la parole devant une salle comble, de présenter et d’échanger sur les récentes études et dernières publications scientifiques afin de mieux comprendre l’infertilité pour mieux la prendre en charge au quotidien.

Un énorme espoir

 

Cette journée fut aussi l’occasion de revenir sur l’extraordinaire aventure médicale et humaine réalisée par l’équipe de chirurgie gynécologique de l’hôpital Foch : la première greffe d’utérus française qui a permis la naissance de deux petites filles, Misha et Maxine. La dernière vient de naître, deux ans après sa sœur. Ces deux premières naissances offrent un énorme espoir aux patientes sans utérus et en âge de procréer. Le Pr Ayoubi a rappelé ce long parcours de plus de 15 ans de recherche avec plus de 20 chercheurs autour de ce projet, ces 7 à 9 ans pour finaliser et obtenir toutes les autorisations administratives. Un temps qui n’a pas été perdu, loin de là !
L’équipe a pu s’entraîner chirurgicalement sur des brebis, dont les utérus présentent des similitudes anatomiques avec ceux de la femme. Elle a réalisé plusieurs études sur la perfusion du greffon et sur les biomarqueurs, destinés à dépister les rejets précoces de greffons. Elle a permis de mener et de soutenir plusieurs thèses de médecine et de sciences. « Cette incroyable dynamique de recherche, impulsée à toute l’équipe, a constitué un vrai moteur pour ce projet et tous les autres autour de la transplantation utérine», a souligné le Pr Ayoubi. En effet, l’équipe de Foch a développé avec ses collègues suédois du service du Pr Branstrûm, une technique
opératoire qui permet de prélever l’utérus de la donneuse par chirurgie robotique mini-invasive.
Cette dernière est devenue la référence dans ce domaine et a été utilisée pour réaliser la première transplantation utérine française à l’hôpital Foch. Une deuxième patiente a déjà été greffée et une troisième devrait l’être dans les prochains mois.

La chirurgie a-t-elle une place dans la prise en charge de l’infertilité ?


Le Dr Marie Carbonnel, chirurgien gynécologue à l’hôpital Foch, a rappelé que la chirurgie tubaire, qui était en perte de vitesse, revient en force : elle occupe une place remarquée dans le traitement de certaines infertilités. En effet, bien que la fécondation in vitro, très largement utilisée, court-circuite les trompes, il existe des indications de plus en plus fréquentes.
« Certaines femmes ont des trompes bouchées et n’ont pas besoin forcément d’une FIV dans l’immédiat : elles sont jeunes avec plusieurs années devant elles et souhaitent plusieurs enfants.
D’autres, inversement, ont plus de 40 ans : leurs chances de grossesse en FIV sont très faibles, alors que celles d’une grossesse spontanée sont augmentées avec une chirurgie tubaire ». La chirurgie des trompes trouve une de ses meilleures indications dans les déligatures tubaires : 20% des patientes, qui ont voulu une ligature de trompes, regrettent leur geste. « Si on les opère pour restaurer leurs trompes et donc leur fécondité, on obtient plus de 50 % de grossesses, donc des taux supérieurs à la FIV : dans ces cas, il faut vraiment favoriser la chirurgie mini-invasive et surtout la chirurgie robotique », a indiqué le Dr Carbonnel.

Le quotidien des gynécologues et des chirurgiens


Le Pr Michel Mueller, de l’hôpital universitaire de Berne (Suisse) a rappelé l’impact des fibromes, surtout ceux situés dans la cavité utérine, sur l’infertilité féminine mais aussi sur le déroulement de la grossesse. « Lorsqu’ils sont inférieur à 1,5 cm de diamètre et asymptomatiques, ils n’ont pas toujours d’influence sur les résultats d’AMP et il est inutile de les enlever. Mais au-delà de 2 cm, ils augmentent le risque de fausses couches et il faut les retirer chirurgicalement », a-t-il précisé.

Le Pr Hervé Fernandez, de la maternité du Kremlin-Bicêtre, est revenu sur le traitement des fibromes : « Cette pathologie représente le quotidien des médecins de la reproduction et des chirurgiens », a-t-il précisé, en rappelant que 33% d’entre eux restent asymptomatiques. « Le premier traitement en 2023, c’est de s’abstenir et de rassurer les patientes. Mais n’oublions pas qu’une femme sur dix, entre 30 et 55 ans en France, souffre de fibromes qui impactent sa qualité de vie ». Quand les fibromes impactent sur la fertilité, il faut intervenir. « Seule l’ablation des fibromes logés dans la cavité utérine a démontré une amélioration de la fertilité spontanée, et en AMP », a-t-il conclu. Le Pr Mueller a aussi évoqué le traitement du syndrome d’Asherman : « La meilleure option thérapeutique est de retirer les adhérences, ou synéchies, par hystéroscopie avec un chirurgien expert. Un petit nombre d’études montre un avantage, non seulement sur les symptômes mais aussi sur la fertilité », a relaté le spécialiste.

Une place à part pour l'infertilité masculine à Gynfoch 2023

En France 1 couple sur 7 consulte en raison des difficultés à mettre en route un bébé. Une fois sur deux, l’infertilité provient de l’homme. Depuis une cinquantaine d’années, les études scientifiques montrent une baisse inquiétante de la quantité et de la qualité des spermatozoïdes.
Entre 1973 et 2011, la concentration moyenne en spermatozoïdes a chuté de 52,4%. On constate également une baisse de la qualité dans les mêmes proportions : cette dernière serait de 59,3% inférieure depuis 1973. Le Pr Herman Tournaye, chef du centre de la reproduction humaine de l’Université de Bruxelles, a évoqué cet inquiétant déclin de la fertilité masculine. « Mais dans les prochaines années, l’intelligence artificielle va nous aider à repérer le meilleur spermatozoïde que nous pourrons injecter dans l’ovule par la technique de l’ICSI. Actuellement, nous nous entraînons à injecter à l’aide d’un robot : c’est encore expérimental et réalisé sur des souris. Le robot positionne le spermatozoïde et l’ovule pour davantage d’efficacité ».
Actuellement les résultats de l’ICSI sont encourageants. « Quand nous trouvons des spermatozoïdes à injecter, nous obtenons presque 40% de grossesses par tentative », a indiqué le spécialiste.

Une supplémentation en antioxydants ?


Les perturbateurs endocriniens jouent un rôle maintes fois démontré sur la santé mais aussi sur l’infertilité masculine. Le Pr Rosalie Cabry-Goubet, du service de médecine et biologie de la reproduction du CHU Amiens-Picardie et responsable du CECOS de Picardie, a rappelé que « l’effet toxique d’un perturbateur endocrinien ne se caractérise pas par une exposition toxique unique et majeure, mais par une exposition à une multitude de produits à faibles doses, interagissant entre eux. De l’effet combiné des doses, naît la notion de co-exposition, autrement dit la potentialisation des effets ». Un niveau excessif de stress oxydatif et la présence en excès de ROS (espèces réactives de l’oxygène) sont associés à des dysfonctionnements spermatiques.
En effet, les radicaux libres altèrent l’ADN de toute cellule : celui des spermatozoïdes est modifié également, ce qui réduit les chances de conception. De plus en plus de médecins réalisent, dans le cadre d’une infertilité masculine, des tests pour évaluer le stress oxydatif, en
particulier en mesurant la fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes. « On peut aujourd’hui proposer à ces patients une supplémentation en antioxydants mais, sur ce point, les études scientifiques sont très discutées. C’est pourquoi il faut insister sur la prévention : arrêter les toxiques comme l’alcool et le tabac, avoir des éjaculations fréquentes... Les médecins de la reproduction ont un rôle à jouer dans ce domaine », a souligné le Pr Cabry-Goubet.

L'âge du père et la génétique dans l'infertilité ?


Au total, 7 à 12% des hommes sont infertiles à travers le monde. Pour quelles raisons ? Dans 30% des cas, on parle de causes « idiopathiques », autrement dit inexpliquées. Dans 15% des cas, l’infertilité est d’origine génétique. « Si on procédait au séquençage génétique, on se rendrait vraisemblablement compte que beaucoup de causes idiopathiques d’infertilité sont en réalité des causes génétiques. La France accuse un retard dans le diagnostic des infertilités génétiques. Il est important d’orienter les patients dans des centres spécialisés afin qu’ils bénéficient de tests génétiques », a souligné le Dr Achraf Benammar, biologiste dans le centre d’AMP à l’hôpital Foch. Le Pr Catherine Racowsky, gynécologue dans le même service et « past-présidente » de l’ASRM (American Society of Reproductive Medicine), a également rappelé le rôle prépondérant de la génétique dans ce domaine. 104 gènes ont été identifiés dans l’infertilité masculine, 105 dans l’infertilité féminine. « Avec ces progrès, la génétique et le conseil génétique prennent une place de plus en plus importante dans le traitement couples nécessitant une FIV. La génétique va bientôt expliquer ce qui demeurait inexpliqué ! », a-t-elle souligné. Le Dr Paul Pirtéa, gynécologue-obstétricien, a présenté plusieurs études publiées dont une réalisée sur plus de 2000 couples infertiles suivis et prise en charge dans le service de gynécologie-obstétrique du Pr Jean Marc Ayoubi à l’hôpital Foch, et publiée récemment dans une dans une revue scientifique internationale. Elle souligne qu’à partir de 45 ans pour les hommes, l’âge a un impact négatif : plus de fausses couches et moins de succès des FIV. Au vu de ces études, le Dr Pirtéa lance un signal d’alerte : « Bien sûr, les résultats d’AMP ne dépendent pas uniquement de l’âge. Néanmoins le conseil que je donne aux hommes est le même que celui que je donne aux femmes. Dans un projet d’enfant, l’âge est important pour les deux et le plus tôt sera le mieux ».

Faire face aux échec de la FIV


Chaque petit pas, chaque progrès même minime a son importance pour augmenter les chances d’obtenir une grossesse. Le Pr Fady Sahara, fondateur et directeur médical du Virginia Center for Reproductive Medicine (Whashington DC), un des meilleurs centres des Etats-Unis, a rappelé que l’âge reste le meilleur indicateur de la qualité des ovocytes. Pour explorer la fonction ovarienne, l’idéal est de pratiquer un test non-invasif, reproductible, validé et rapidement interprétable. « Le comptage des follicules antraux (AFC) et l'hormone anti-müllerienne (AMH) sont les marqueurs les plus sensibles de la réserve ovarienne. Néanmoins ces marqueurs ne doivent pas être utilisés pour refuser une FIV à une femme», a précisé le spécialiste. Le Pr Ernesto Bosch, directeur médical du centre IVI à Valence, propose d’explorer, par un examen approprié, l’utérus et l’endomètre avant une AMP. « Car il existe une prévalence de pathologies qui ne peut être négligée : lorsqu’elle est présente, elle a un impact significatif sur les taux de réussite », a-t-il souligné. Le Pr Ettore Cicinelli, chef de l’unité de gynécologie-obstétrique à l’Université de Bari “Aldo Moro” (Italie) a mis l’accent sur les causes infectieuses et immunologiques de l’infertilité. “L’évaluation du microbiome de la cavité utérine peut aider au diagnostic et au traitement de l’infertilité. L’antibiothérapie - et peut-être demain les probiotiques- pourraient guérir l’inflammation chronique de l’endomètre”, a estimé le spécialiste.

Réceptivité de l'endomètre : une clef dans la réussite d'une FIV


Le Pr Antonio Pellicer, fondateur de l’institut IVI à Valence (Espagne) et le Pr Samir Hamamah, chargé de mission du « plan national fertilité » et chef du département de biologie de la reproduction au CHU Montpellier, ont tenté de mieux comprendre les échecs de FIV.
« 2/3 des embryons ne s’implantent pas. Il faut mieux décrypter le dialogue entre l’endomètre et l’embryon et comprendre comment la stimulation ovarienne impacte l’endomètre et la réceptivité endométriale », a précisé ce dernier. « L’état de réceptivité de l’endomètre présente un profil d’activité génétique très spécifique. Certains gènes, appelés marqueurs de réceptivité, ne sont exprimés que pendant la fenêtre d’implantation », a souligné le Pr Pellicer. Des tests tentent de déterminer avec plus de précision le moment précis, et parfois très bref -quelques heures- où l’endomètre est prêt pour l’implantation d’un embryon. Ils sont basés sur 2 concepts différents: la transcriptomique ou l’expression des microARN. Or des études publiées en 2018 n’ont pas démontré formellement leur intérêt. Mais le Pr Hamamah a terminé sur une note d’espoir : « Actuellement un test non invasif, réalisé sur une simple prise de sang, est à l’étude.
J’espère revenir vers vous l’an prochain avec des résultats positifs ».

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